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PHILON

PHILON
The Works of Philo Judaeus











Philon d’Alexandrie (vers -12 - vers +54) philosophe juif hellénisé né à Alexandrie.




Mireille Hadas-Lebel : Philon d'Alexandrie - Un penseur en diaspora

L’intérêt de Philon d’Alexandrie, auteur du premier siècle de notre ère, tient à ce qu’il se trouve au carrefour de deux cultures, la culture juive et la culture grecque ; ajoutons qu’il a vécu à un moment où Rome bénéficiait d’une puissance incontestée. Le personnage n’est peut-être pas très connu du grand public, et c’est dommage. C’est ainsi qu’avec ce livre, Mireille Hadas-Lebel vient combler une regrettable lacune, et elle seule pouvait le faire car elle est un des rares savants actuels à connaître aussi bien le monde où l’on parlait le grec et le latin que celui où était pratiqué l’hébreu.

Pour comprendre Philon, il faut savoir qu’il a vécu à Alexandrie d’Égypte, une des plus grandes villes de son temps, illustre aussi bien par sa richesse économique que par son rayonnement intellectuel (que l’on songe au Musée, à la Bibliothèque, et à tant d’illustres savants, comme Ptolémée). Elle abritait en outre une des plus importantes et des plus brillantes communautés juives du monde méditerranéen. M. Hadas-Lebel commence par replacer le personnage dans son cadre urbain, en tenant compte des fouilles les plus récentes.

Cet auteur, très pudique sur tout ce qui le concerne, appartenait à une famille de notables bien enracinés dans leur tradition religieuse et culturelle : “Si je t’oublie, Jérusalem” (p.61). Et cette fidélité n’était pas facile à vivre, parce que les relations avec les Égyptiens, les Grecs et les Romains passaient par des phases d’indifférence ou de franche hostilité, voire de persécution. Pourtant, les Juifs d’Alexandrie étaient hellénisés. Dans le milieu social où a grandi Philon, les noms grecs n’étaient pas rares, et l’apprentissage de cette langue allait de soi. Il est même plus que probable qu’il ignorait l’hébreu et qu’il a lu la Bible dans la traduction qui avait été faite dans sa patrie par les Septante, soixante-dix savants qui, d’après la légende, avaient effectué ce travail en soixante-dix jours et autant de nuits. Pourtant, il conserva sa foi et n’a même jamais envisagé de renoncer au moindre de ses devoirs religieux. Son mérite est accru quand on apprend que lui et les membres de sa communauté ont été en butte aux vexations et aux persécutions de gouverneurs romains qui n’ont jamais compris leur religion et qui préféraient plaire à une populace égyptienne très attachée à des dieux animaux. Il dut rédiger un texte contre un gouverneur très hostile (In Flaccum) et il se rendit en ambassade auprès de Caligula pour défendre les intérêts des siens (Legatio ad Caium).

Pour Philon et les Juifs de son temps, trois pratiques gardaient une importance essentielle pour définir leur appartenance au judaïsme : la circoncision, les lois alimentaires et le repos sabbatique. Ils leur ajoutaient des célébrations comme la Pâque, la Pentecôte et la Fête des Cabanes, ainsi que le jeûne. L’intellectuel qu’il était ajoutait à ces rites une théologie comprenant essentiellement des commentaires de la Bible. De nombreux exemples des problèmes qu’il a ainsi traités sont présentés par M. Hadas-Lebel : la création du monde et de l’homme, le problème du mal, la signification de Noé, d’Abraham et de Moïse. L’originalité de Philon vient de ses choix en matière de philosophie. Il ne se rattache à aucun système, ne se rallie à aucune des grandes écoles de son temps. Mais il n’en a pas moins subi l’influence de l’œuvre de Platon, de Pythagore et aussi, comme l’ont affirmé plusieurs auteurs auxquels se rallie M. Hadas-Lebel, des stoïciens. De cette rencontre entre la Bible et la philosophie, qui constitue une authentique synthèse de cultures, naît une pensée originale, qui place Dieu au centre de la réflexion et donne la Loi comme règle de vie. On y trouvera aussi un éloge de la démocratie, étonnant pour l’époque. L’ouvrage se termine par un chapitre au titre amusant (“Philon, Père de l’Église honoris causa ”), emprunté à D. Runia. Il y est rappelé la dette contractée par certains grands penseurs chrétiens à l’égard de l’intellectuel juif d’Alexandrie.

Que ce livre soit agréable à lire ne fait qu’ajouter à l’immense intérêt de son contenu. Il rappelle que les influences réciproques et les synthèses de doctrines n’ont pas été étrangères à l’Antiquité, loin de là, et il montre comment ont pu se rencontrer le judaïsme, l’hellénisme et la romanité ou romanisation. En 2003/2004, le problème des contacts de cultures reste d’actualité.

Yann Le Bohec - parutions


Philosophe syncrétique

Philon symbolise le judaïsme d’Alexandrie, synthèse entre judaïsme et hellénisme. C’est ce syncrétisme qui le rendra suspect aux yeux des rabbins orthodoxes. Sa culture biblique et son attachement à sa communauté ne le coupent pas du monde. Au contraire, il est convaincu que le monothéisme de Moïse est universel, et il veut le démontrer à ses lecteurs grecs.

Philon est un philosophe juif né à Alexandrie (il est mentionné dans l’oeuvre de Flavius Josèphe (Antiquités xviii. 8, § 1; xix. 5, § 1; xx. 5, § 2). Il participa à
l'ambassade que les Juifs d'Alexandrie envoyèrent à l'Empereur Caligula pour demander sa protection suite aux émeutes grecques contre la communauté juive.
Connaissant parfaitement les systèmes philosophiques grecs, Philon a été très influencé par Platon. On cite souvent ce jeu de mots d'un contemporain : "Philon platonise, Platon philonise". Ses textes sont intéressants pour l'étude de la philosophie néo-platonicienne,mais surtout pour sa lecture de la Bible, qu'il lisait dans la traduction des Septante (traduction grecque).
L’originalité de son travail est d’interpréter la Torah au plan allégorique. Il ouvrit ainsi la porte aux Pères de l’Eglise. Il faudra attendre la cabale pour retrouver ce type d’interprétation.

Son système philosophique repose sur cinq thèses :
1. La transcendance de Dieu, et l’inconnaissabilité de Dieu. L’homme ne peut saisir l’essence de Dieu ni par le sens ni par l’intelligence. Philon pose ici une limite nette au pouvoir de la philosophie et de la théologie. Cette thèse de l’inconnaissabilité de Dieu sera reprise par Maïmonide et Kant.
2. La faiblesse de l’homme. Le dialogue entre Dieu et l’homme que présuppose la Loi
révélée est opaque et sourd, comme celui du maître et de l’esclave. De plus, renversant la célèbre maxime de Socrate, Philon affirme que l’homme ne se connaît même pas lui-même.
3. La médiation prophétique existe entre Dieu et l’homme.
4. Le Cosmos et l’homme ont capté quelque chose de divin, qui permet à ce dernier de s’y refléter. C’est pourquoi ils sont tous deux des images de Dieu.
5. Dieu offre par amour à ce qui n’est pas lui par le principe d’Amour, c’est un don. Le mécanisme de cette transmission repose sur la théorie confuse (et relativement accessoire dans la pensée de Philon, mais qui aura un grand succès) des Puissances, des Anges, et surtout du logos.akadem


Le contexte historique et politique de la vie de Philon à Alexandrie.
Alexandrie est une ville cosmopolite où se côtoient grecs, Egyptiens, Syriens, puis Italiens, et juifs, c’est la ville d’un syncrétisme gréco-égyptien. C’est aussi la ville où la diaspora juive peuple les 2/5 d’Alexandrie.

Alexandrie a été le centre politique du royaume Lagide, le grand port de l’Egypte sur la Méditerranée, qui échangeait bois, métaux, marbres, huile d’olive, et vins de cru, et réexpédiait des produits venus d’Afrique (Ivoire, animaux, or, plumes d’autruche, esclaves) et d’Orient (épices, aromates, soies, parfums). Alexandrie avait été un centre culturel, fer de lance de l’héllenisme
Les juifs s’hellénisent, abandonnent l’araméen pour le grec. Dès le IIème siècle, les juifs d’Alexandrie avaient abandonné l’usage de l’hébreu dans la liturgie. La traduction des Septantes en grec, au II ème siècle, est le fruit de ces échanges et de cette symbiose entre juifs et grecs. Cette traduction a contribué à faire connaître l’ancien testament, la Thora, au monde grec parmi les non juifs. La traduction des Septantes a remplacé l’image pastorale par un vocabulaire juridico-politique. Ainsi, le texte en hébreu d’Isaïe 58.6 qui se rapporte au jeûne « mais voici le jeûne que j’aime : c’est de rompre les chaînes de l’injustice, de dénouer les liens de tous les jougs, de renvoyer libres ceux qu’on opprime, de briser enfin toute servitude », devient traduit en grec pour les juifs de la diaspora « défaire les liens des accords imposés par la force, renvoyer libres ceux qui sont brisés, annuler tout contrat injuste ». Nous sommes très proches du texte du Kol Nidré lu par les juifs lors du jeûne de Kippour daté du VIIIème siècle du temps de l’Empire Byzantin sous les gaonim, « …que ces vœux ne soient pas des vœux, que ces serments ne soient pas des serments, que ces anathèmes ne soient pas des anathèmes, que nos interdits ne soient pas des interdits car nous les regrettons tous, qu’ils cessent d’exister et soient abandonnés ; qu’ils soient nuls et non avenus ». Il s’agit, selon une interprétation généralement admise, des vœux passés sous la contrainte et non voulus, que la théorie des contrats, en droit civil a érigé en cause de nullité pour vice du consentement. L’inspiration de ce texte, lu chaque année par les juifs, semble pouvoir être directement rattachée à la traduction des Septantes de la diaspora d’Alexandrie.

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